Cœur et canopée

Les Forêts Miyawaki et le Japon

Au pays du soleil levant

Le mot JAPON résonne de bien des façons dans l’imaginaire occidental. Il évoque fréquemment : sushis, mangas, samouraïs, origami, bonsaï ou cérémonie du thé. Tout en ayant le mérite de constituer un premier attrait, ces éléments de la culture japonaise ne sont encore que l’arbre qui cache la forêt.

Les montagnes ont longtemps limité la circulation entre les différentes préfectures japonaises. C’est ainsi que la gastronomie, la mode vestimentaire, mais aussi l’humour, les mythes, la musique et les courants philosophiques se sont développés dans une relative indépendance d’une région à l’autre.

Ce relief est une des origines de la richesse et de la grande diversité de la culture japonaise.

Le fondateur de CŒUR ET CANOPÉE a vécu 15 mois au Japon. Il n’est pas besoin de visiter ce pays pour avoir accès à son rayonnement culturel et découvrir un univers qui fascine, questionne et suscite l’enthousiasme de différentes façons. 

Cependant, partager quatre traits de culture découverts sur place pourront intéresser les lecteurs curieux tout en éclairant le contexte humain dans lequel est apparue la méthode Miyawaki.

Somochi

Somochi : Qu'est-ce c'est ?

Somochi désigne en quelque sorte la force dans la diversité, dans la disparité. 

L’assemblage astucieux d’éléments différents et fragiles permet de créer un ensemble fort et solide qui résiste aux éléments. 

La robustesse de cet ensemble est plus élevée que la somme des robustesses des éléments pris séparément.

Somochi & Miyawaki

Cette façon de voir est au cœur de la forêt Miyawaki : dans ces bosquets de végétation, nous réintroduisons des arbres de haute taille, mais aussi des arbustes et des buissons. 

Par temps de fortes chaleurs, le grand arbre solitaire comme le buisson isolé souffrent. Si ces épisodes se répètent trop fréquemment, aucun des deux ne pourra survivre bien longtemps. 

En revanche, lorsqu’ils poussent ensemble, au sein de leur communauté native, alors chacun des deux bénéficie de la présence de l’autre. 

Le buisson profite de l’ombre du grand arbre tandis que le tronc de ce dernier est maintenu au frais par le feuillage des végétaux des strates basses qui fixent les masses d’air.

Cet exemple simple de résistance à la chaleur a son équivalent pour chaque paramètre de croissance : chaque végétal a sa stratégie propre pour trouver de l’eau, des nutriments, pour se protéger des prédateurs, des rafales, pour se reproduire, pour alerter, etc.

Considérée isolément, chacune de ces stratégies a de gros points faibles. Mais observées dans leur ensemble, ces végétaux astucieusement assemblés présentent une diversité de stratégies qui assure la longévité et la résilience du bosquet.

Cela fait plusieurs fois que nous disons « astucieusement assemblés ». Il ne s’agit pas de faire allusion à un design humain particulièrement adroit. Nous nous référons simplement à l’observation des communautés de végétaux telles que la nature les associe dans leur croissance. Ces communautés se retrouvent dans les forêts natives, à proximité des lieux de plantation ou sur des zones géo-climatiques qui présentent des caractéristiques similaires.

L'approche MIYAWAKI

Nous revenons ici à l’humilité de l’approche Miyawaki dont deux des grands mérites sont d’avoir su observer avec patience et reproduire avec application.

Quant à la plantation participative, on peut y retrouver les qualités que le vieil homme reconnaît au Yui : faire se rencontrer les générations, trouver sa place dans un projet de communauté, contribuer ensemble à la résilience du village commun, éveiller au sens de l’effort et du collectif.

Quel que soit l’âge du participant, ce moment de plantation est toujours un moment fondateur, que ce soit pour le territoire, pour le groupe, pour chaque personne.

La quatrième personne
est singulière

« […] Donc le Yui, en japonais, désigne un système d’entraide communautaire dans lequel tous les habitants s’impliquent pour accomplir, ensemble, un travail essentiel. C’est par la bonne coordination du nombre et l’implication de chacun que le groupe est efficace.

Ce travail pouvait être le repiquage du riz avant la mécanisation ou la construction d’un édifice. Par exemple quand, dans un village, une famille s’apprête à bâtir une maison ou à rénover un toit de chaume, tous les habitants, quels que soient leur travail ou leurs occupations habituelles, prêtent main forte.

– Comme pour ce toit-ci ?

– Oui.

– Pourtant ce n’est pas un toit simple ! Les habitants parviennent à réaliser des ouvrages complexes alors que ce n’est pas leur activité principale ?

Toit de maison traditionnel à Shirakawa-go

« […] Donc le Yui, en japonais, désigne un système d’entraide communautaire dans lequel tous les habitants s’impliquent pour accomplir, ensemble, un travail essentiel. C’est par la bonne coordination du nombre et l’implication de chacun que le groupe est efficace.

Ce travail pouvait être le repiquage du riz avant la mécanisation ou la construction d’un édifice. Par exemple quand, dans un village, une famille s’apprête à bâtir une maison ou à rénover un toit de chaume, tous les habitants, quels que soient leur travail ou leurs occupations habituelles, prêtent main forte.

– Comme pour ce toit-ci ?

– Oui.

– Pourtant ce n’est pas un toit simple ! Les habitants parviennent à réaliser des ouvrages complexes alors que ce n’est pas leur activité principale ?

Là où, en Occident, on met de plus en plus l’accent sur l’importance de s’exprimer, l’éducation au Japon insiste sur la nécessité d’écouter.

Le silence entre deux échanges est un moment d’écoute active pendant lequel la communication se poursuit. Grâce à cette attention, les interlocuteurs ont la possibilité de réduire au minimum le nombre de mots échangés lorsqu’ils s’expriment verbalement. Pour s’intégrer, Chrys observe et s’efforce d’adopter ces réflexes.

Quelques instants plus tard, le vieillard poursuit :

« Pour le Yui… Il faut encore savoir ceci : la hiérarchie est très plate et honorifique : le chef est celui à qui appartient la maison. Il n’y a pas de rémunération : celui qui est aidé aujourd’hui aidera demain. »

Comme dans le Pay Forward de mes chers Kiwis…

« Enfin, les travaux sont effectués au rythme d’une chanson reprise par tous les participants. Hohoho ! Parce que nous, les Japonais, nous aimons chanter.

Hmmmm. Yui est un système simple pour rassembler efficacement la communauté autour d’un projet concret, utile, vite réalisé et gratifiant. Et ça permet aux générations de se retrouver ce qui, dans mon cas, est tout à fait appréciable… Hohohooooo… »

Et ça permet aux générations de se retrouver ce qui, dans mon cas, est tout à fait appréciable…

Le vénérable visage plisse toutes ses rides dans le sens de la joie pour accompagner ce rire. C’est d’une beauté émouvante et Chrys sourit, aussi bien par complicité que par admiration pour ces traits sévères qui s’ouvrent et s’épanouissent quelques instants.

Un temps de silence suit ce moment de relâche. Les rides se remettent tranquillement en place, mais pas tout à fait. Un reste de sourire flotte encore sur l’attitude redevenue formelle du vieil homme.

Il hoche deux fois la tête. Chrys connaît ce geste. Il signifie à la fois que l’homme donne une deuxième approbation à ce qu’il vient d’énoncer, comme pour confirmer qu’il y attache une importance toute particulière. Il signifie aussi que sa réflexion n’est pas achevée. Chrys se met ostensiblement en posture d’écoute et en effet le vieil homme complète :

« Oui… C’est très bon pour toutes les générations. Le Yui permet de partager un moment, d’aider ensemble, de construire quelque chose de commun. En même temps, il renforce notre compréhension de ce que nous sommes, de notre identité. Au-delà d’un toit, d’une maison, c’est nous-mêmes que nous construisons. Le village se construit et se renforce dans un flot qui se poursuit au-delà de l’humble participation de nos vies.»

Construire son identité par le travail pour la communauté …

Le vieillard regarde au loin. Dans le silence qui suit, il ramène ses yeux sur ceux de Chrys, à la recherche d’une marque d’entente, du signe d’un écho. Il les trouve : par voie d’empathie, Chrys perçoit les bénéfices du Yui sans l’avoir vécu.

Extrait du livre  » La quatrième personne est singulière « .